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LETTRE AUX CANDIDATES ET AUX CANDIDATS À L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE D’AVRIL 2022

Le 10 mars 2022,

Vous avez déclaré officiellement votre candidature à la magistrature suprême. Cette fonction, vous l’exercerez aussi dans le cadre de l’Union européenne, notamment pour y faire pleinement respecter, plus que partout ailleurs, ces libertés fondamentales qui sont les piliers sur lesquels repose toute notre démocratie. Déjà l’Union Européenne – et la France avec elle – s’est indignée à maintes reprises du recul de la démocratie au sein de certains de ses États membres comme la Hongrie ou la Pologne. Nul doute que, comme vos prédécesseurs, vous maintiendrez haut les exigences du droit.

Dans ce cadre-là, vous allez aussi être confronté.e à une situation aussi grave qu’inédite:  l’existence de prisonnier.ères politiques et d’exilé.es politiques, ainsi que de plus de 3 500 victimes de la répression, dans un des États de l’UE, l’Espagne, qui se revendique pourtant comme une démocratie consolidée et un État de droit.

Le Conseil de l’Europe avait ainsi dénoncé, dans sa résolution 2381 du 21 juin 2021, simultanément la Turquie et l’Espagne en raison des peines exorbitantes attribuées à des opposant.es politiques poursuivi.es pour leur action politique, et, dans le cas de l’Espagne, l’existence de faits de persécution contre des fonctionnaires et d’exilé.es politiques (annexe 1).

C’est pourquoi la Coordination des collectifs de solidarité avec la Catalogne (ColSolCat), qui vous adresse cette lettre, souhaite attirer votre attention sur ce que le.la futur.e président.e de la République française devrait savoir au sujet de cette crise qui, pour s’être cristallisée sur la Catalogne, n’en renvoie pas moins à une dimension universelle qui parle à chaque démocrate.  

  • SOURCES DU CONFLIT –

RÉPRESSION PENDANT ET APRÈS LE RÉFÉRENDUM DU 1er OCTOBRE 2017

À l’origine de ces tensions, il y a un problème interne à l’Espagne, la remise en cause du statut (sorte de Constitution régionale) d’une de ses régions, la Catalogne, en 2006. En 2010, la Cour constitutionnelle espagnole a vidé de sa substance ce statut voté au Parlement catalan, au Congrès espagnol, signé par le roi Juan Carlos I et approuvé par référendum par les citoyens catalans quatre ans auparavant ; ce nouveau statut étendait notamment l’autonomie et la reconnaissance nationale de la Catalogne. Ce faisant, la Cour constitutionnelle a déclenché une crise politique sans précédent qui a eu et continue d’avoir un retentissement dans la sphère européenne et, au-delà, dans les instances internationales. 

À partir de 2010, le mouvement indépendantiste catalan a connu une croissance exponentielle. Après 18 demandes du gouvernement catalan pour organiser une consultation citoyenne sur le devenir de la Catalogne, demandes ignorées par le gouvernement espagnol, Carles Puigdemont, devenu président (le 130e) de la Generalitat (gouvernement catalan) le 10 janvier 2016, a engagé son Parlement à accomplir les actes institutionnels qui devront aboutir à un référendum. Il a procédé de concert avec les principales organisations civiles et partis politiques favorables à l’autodétermination en Catalogne. Finalement, le référendum a été fixé au 1er octobre 2017.

Toutefois, le gouvernement espagnol, en faisant intervenir violemment sa police contre de simples électrices et électeurs, a franchi, lui, la ligne rouge aux yeux de nombreux observateurs, parmi lesquels le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme ou Human Rights Watch.  Rappelons que 1 066 blessé.es ont été recensés dans les centres hospitaliers pour des soins.

À la suite de ces événements intervenus sous le gouvernement de Mariano Rajoy (Parti Populaire), neuf dirigeant.es politiques et sociaux catalan.es ont immédiatement été emprisonné.es et condamné.es deux ans après, en octobre 2019, à des peines allant de 9 à 13 ans de prison ; elles et ils sont accusé.es de sédition, de détournement de fonds, d’avoir autorisé le référendum et d’avoir appelé à manifester pacifiquement. Cet emprisonnement a été qualifié comme “arbitraire” par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire ; des organisations comme Amnesty International ou Front Line Defenders ont demandé leur libération immédiate. 

  • EXILÉS POLITIQUES, EURO ORDRES  ET AFFAIRES JURIDIQUES  EN EUROPE

Le président du gouvernement catalan, plusieurs membres de son cabinet et d’autres dirigeant.es et député.es politiques ont été contraint.es de s’exiler en Belgique, en Écosse et en Suisse. 

Postérieurement, Carles Puigdemont, Toni Comín (exilés en Belgique) et Clara Ponsatí (éxilée en Écosse) sont devenu.es eurodéputé.es. Néanmoins, le gouvernement espagnol n’a cessé de poursuivre ces trois eurodéputé.es ainsi que les autres personnes exilées, 9 au total, en réclamant leur extradition à différentes reprises au moyen des mandats d’arrêt internationaux. En ce qui concerne les trois eurodéputé.es catalan.es, la justice espagnole a demandé au Parlement européen la levée de leur immunité parlementaire. Rappelons à ce propos que presque 43 % des eurodéputé.es ont refusé de lever l’immunité.  Par ailleurs, en diverses occasions depuis 2018, les justices allemande, belge, suisse, écossaise et italienne ont rejeté les demandes d’extradition émanant du tribunal suprême espagnol.

L’affaire de l’immunité parlementaire des eurodéputé.es catalan.es, immunité levée par le Parlement Européen puis rétablie provisoirement par le Tribunal de la Cour de Justice de l’Union Européenne (TJUE) en attendant qu’il se prononce sur le fond, n’est pas une question purement espagnole. Cette affaire concerne nos libertés à nous aussi, Françaises et Français. Ces trois député.es européen.nes sont aussi nos représentant.es comme ceux de tous les citoyen.nes des États membres de l’UE au Parlement européen. Nous pouvons également être emprisonnés pour nos opinions…

  • RÉPRESSION

La société catalane, très pro-européenne, est très déçue par l’attitude des responsables de l’UE, qui ont déclaré dès 2017 ne pas vouloir s’immiscer dans un conflit interne à l’Espagne. Le gouvernement et la justice espagnols s’acharnent sur les indépendantistes catalan.es ; dans l’annexe 2, l’association Òmnium Cultural fait le point sur les plus de 3 500 personnes qui font l’objet de représailles depuis 2017, dont 1 629 personnes blessées par des brutalités policières, et 1 973 personnes faisant l’objet de poursuites pénales (Annexe 2). 

Ce sont deux logiques opposées qui s’affrontent. D’un côté, la demande de souveraineté d’une majorité des citoyen.nes catalans défendue via la le droit à l’autodétermination, la désobéissance civique et la non-violence, et de l’autre, le centralisme d’un état fort, qui déploie tous les moyens policiers et judiciaires possibles pour anéantir cette aspiration.

Pour toutes ces raisons, il semble de plus en plus difficile de soutenir qu’il s’agit uniquement d’une affaire intérieure à l’État espagnol et il vous appartiendra, nous espérons, d’en convaincre également l’Union européenne. 

L’Espagne ne peut plus agir comme elle le fait. Elle ne pourra pas éviter la recherche d’une issue politique au conflit. Elle ne pourra plus utiliser la violence pour contrecarrer la volonté démocratique et majoritaire des Catalan.es qui s’est exprimée le 14 février 2021 dans les urnes, en donnant à nouveau à son Parlement une majorité absolue indépendantiste en sièges mais aussi, pour la première fois, en voix. Elle ne pourra le faire sans que cela entraîne des conséquences fâcheuses pour elle.

Mesdames et Messieurs les candidat.es à l’élection présidentielle de 2022, c’est avec grand espoir que nous sollicitons de votre part une prise de position en soutien aux exigences démocratiques de la majorité du peuple catalan, à savoir : la recherche d’une solution politique au conflit, la fin de la répression et le respect du droit à l’autodétermination.

Une telle prise de position renforcerait aussi l’intérêt de l’opinion française et sa compréhension des enjeux de la crise catalane et contribuerait à élargir la solidarité indispensable avec son peuple.

Nous vous remercions, Madame, Monsieur, d’avoir pris le temps de nous lire et de prendre connaissance du dossier annexé.

Avec nos salutations respectueuses,

La Coordination des Collectifs de solidarité avec le peuple catalan

11 septembre. Diada. Communiqué de presse de la Coordination des Collectifs de solidarité avec la Catalogne . Pour l’amnistie, la libération des prisonnier.re.s, le retour des exilé.e.s et la fin des poursuites judiciaires.

Le 23 juin 2021, le gouvernement de Pedro Sánchez a libéré, en application d’un décret de grâce limitée, « réversible et conditionnelle », les neuf prisonnières et prisonniers politiques condamné.e.s en 2019, qui n’ont pas pour autant récupéré leurs droits civiques.

De nombreux autres hommes et femmes politiques, comme des eurodéputé.e.s, deux anciennes députées du Parlement de Catalogne et l’ancien président de la Generalitat, sont toujours en exil et pour certain.e.s sous le coup de mandats d’extradition.

Par ailleurs, 3 300 personnes, dont 700 maires, sont toujours inculpées pour des faits concernant l’organisation du référendum du 1er octobre 2017, les manifestations et la grève qui ont suivi, ainsi que les mobilisations provoquées par la sentence des tribunaux contre les emprisonné.e.s en 2019.

L’État Espagnol détient, également, un autre record : 14 des 31 artistes emprisonné.e.s ou condamné.e.s en Europe sont espagnol.e.s, comme le rappeur Pablo Hasèl.

Enfin, le Tribunal des comptes espagnol (Tribunal de cuentas) a sorti l’artillerie lourde pour tenter d’étrangler financièrement les leaders indépendantistes ainsi que de hauts fonctionnaires catalans et responsables des délégations de la Generalitat à l’étranger.

Cette haute cour réclame les millions qu’ils et elles auraient prétendument détournés des caisses publiques pour organiser les référendums de 2011 et 2017 ainsi que pour faire la promotion d’une Catalogne indépendante.

Quelques exemples d’additions très “salées” : 1,9 million demandé à l’ancien président Carles Puigdemont et 1,9 à son vice-président Oriol Junqueras ; 2,1millions à l’ancien ministre catalan Raül Romeva ; 2,8 millions à l’ancien président Artur Mas et à son ancien ministre de l’Economie, professeur à Harvard, Jaume Mas-Colell ; et 5,4 millions réclamés à plusieurs anciens fonctionnaires…

Il convient par ailleurs de rappeler que le mandat des membres du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire (CGPJ) est caduc depuis plus de 1 000 jours. L’une des missions du CGPJ est de nommer les juges des hautes cours espagnoles. Les membres du CGPJ sont désignés par les partis politiques et cette politisation a été dénoncée dans le rapport Greco et par la Commission de Venise. La question a été portée devant la Commission Européenne. 

Ceci est encore un exemple du refus de démocratie de la fin de la dictature franquiste, cette haute administration ne sait répondre que par la voie judiciaire.

Pedro Sánchez se heurte d’ailleurs à la droite du Parti Populaire et de Ciudadanos ainsi qu’au parti d’extrême droite Vox dès qu’il tente de timides réformes judiciaires.

La table de négociations tant de fois promise pour répondre aux demandes du peuple catalan à exercer son droit à l’autodétermination n’a toujours pas d’ordre du jour.

La Coordination des collectifs de solidarité avec la Catalogne (ColSolCat) s’associe aux appels à manifester qui ont lieu ce 11 septembre, jour de la fête nationale catalane (la Diada).

Nous demandons :

– l’amnistie pour toutes les prisonnières et les prisonniers politiques, les exilé.e.s et les 3 300 personnes visées par des procédures de justice ;

– la levée des sanctions financières visant d’ancien.n.e.s dirigeant.e.s et fonctionnaires ;

– l’instauration d’un véritable dialogue afin de prendre en compte la volonté du peuple catalan d’exercer son droit à l’autodétermination.

Le ColSolCat appelle celles et ceux qui sont attaché.e.s à la démocratie et au respect du droit à l’autodétermination, prévu par la Charte des Nations unies, à rejoindre les rassemblements qui seront organisés un peu partout en France.

29 MAI 2021: SOLIDARITÉ AVEC LA MOBILISATION POUR LES LANGUES RÉGIONALES

COORDINATION DES COLLECTIFS DE SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE CATALAN

Communiqué de presse du 26 mai 2021

Le 29 mai 2021, aura lieu une mobilisation dans tous les territoires de France, pour les langues et cultures dites régionales : l’alsacien, le basque, le breton, le catalan, le corse, le créole, l’occitan-langue d’oc et le tahitien, langues enseignées dans les établissements scolaires publics et privés, mais aussi le flamand, l’arpitan, les langues d’oïl et les nombreuses langues de l’outre-mer qui ne sont pas ou très peu enseignées.

Cette mobilisation vise à défendre l’ouverture vers la reconnaissance de ces langues et cultures dites régionales que permettrait la « loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion »[1], dite loi Molac, alors que celle-ci, à peine votée, est déjà menacée.

En effet, soixante-et-un députés de la majorité macroniste et de la droite tentent de saborder la loi Molac, en saisissant le 22 avril le Conseil constitutionnel dans des conditions contestables[2] et pour des raisons qui peuvent s’apparenter à une « manœuvre dilatoire »[3].

Finalement, dans sa décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021[4], le Conseil Constitutionnel n’a pas censuré le forfait scolaire (article 6 de la loi Molac), pourtant objet de la saisine, mais a censuré le principe de l’enseignement en immersion (article 4) et l’utilisation  des signes diacritiques particuliers des langues régionales (article 9).

La décision sur l’immersion qui non seulement interdit cette pédagogie dans le public, remet aussi en cause sa pratique dans les établissements sous contrat. Ainsi les écoles associatives en langues régionales seraient anticonstitutionnelles. La décision du Conseil constitutionnel est un retour de plus de 50 ans en arrière…

La coordination des collectifs de solidarité avec le peuple catalan exprime sa pleine et entière solidarité avec cette mobilisation du 29 mai 2021 : la défense des langues et cultures dites régionales ne vaut pas seulement pour la Catalogne, c’est une exigence générale et universelle reliée à la défense des droits humains pour toutes et tous !

[1] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/alt/protection_patrimoniale_langues_regionales#15-AN2

[2] Plusieurs signataires ont en effet demandé au Conseil constitutionnel que leurs signatures soient enlevées (https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/05/09/la-loi-sur-les-langues-regionales-cree-des-tensions-au-sein-de-la-majorite_6079639_823448.html)

[3] Entretien avec Saveriu Luciani : https://www.corsenetinfos.corsica/Saveriu-Luciani-Le-recours-contre-la-Loi-Molac-menace-l-existence-meme-des-langues-dites-regionales_a57197.html

[4] https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021818DC.htm

À la Une

en solidarité avec le peuple colombien

Nice, le 13/05/2021
Le Collectif des Alpes-Maritimes de solidarité avec le peuple catalan (ColSolCat) dénonce la répression sanglante menée par l’État colombien contre les manifestations populaires. Le ColSolCat apporte son soutien total au mouvement démocratique en Colombie. Il appelle le gouvernement colombien à rompre avec la violence. Il appuie la déclaration d’Amnesty International : « Les autorités colombiennes doivent ouvrir sans délai une enquête indépendante et impartiale sur toutes les allégations de recours excessif et inutile à la force contre des manifestant·e·s, en raison duquel plusieurs dizaines de personnes ont été tuées ou blessées et qui s’est aussi traduit par des arrestations arbitraires, des actes de torture, des violences sexuelles et des disparitions, selon certaines informations. Elles doivent également respecter la liberté d’expression et la liberté de la presse, et veiller à ce que les journalistes puissent couvrir l’actualité en toute sécurité ».
En Colombie comme ailleurs, la violence n’est jamais une solution. En Colombie comme ailleurs, le ColSolCat dénonce les violences policières et oeuvre pour un traitement politique et démocratique des problèmes politiques.

LEVÉE DE L’IMMUNITÉ AU PARLEMENT EUROPÉEN, UN SOUBRESAUT DE L’EUROPE DES ÉTATS CONTRE LA DÉMOCRATIE

Gustave Alirol, président de Régions et Peuples Solidaires
10.03.2021

Sur demande de la Cour suprême espagnole dont la partialité est bien connue, le Parlement Européen vient de décider la levée d’immunité des trois eurodéputés catalans Carles Puigdemont i Casamajó, Antoni Comín i Oliveres et Clara Ponsatí Obiols accusés d’avoir organisé un referendum d’autodétermination en octobre 2017, à l’époque où ils étaient à la tête du Gouvernement Catalan.

Cette décision est une triple défaite pour la démocratie. D’abord parce qu’elle vise à pénaliser l’exercice démocratique du droit à l’autodétermination contre les traités internationaux. Ensuite parce qu’elle confirme qu’au sein de l’Union Européenne, la raison d’état et l’intérêt des États prévalent sur les droits fondamentaux. Enfin parce que le vote a été organisé à bulletin secret, déresponsabilisant ainsi les soi-disant représentants du peuple.
Sur ce dernier point, Régions et Peuples Solidaires (R&PS) salue la mobilisation du groupe Verts / Alliance Libre Européenne (groupe auquel appartient l’eurodéputé R&PS François Alfonsi qui rassemble écologistes et régionalistes) et de celui la Gauche (ex. GUE) qui ont été les seuls à se positionner contre. Car la finalité liberticide de la demande de l’Espagne est actée. Il s’agit de pouvoir organiser le transfèrement des trois leaders catalans pour les envoyer en prison ainsi qu’elle l’a fait précédemment avec neuf autres élus et responsables associatifs.

La levée d’immunité, habituellement adoptée à un très large consensus, a essuyé cette fois-ci le barrage de 248 eurodéputés et l’abstention de 45 autres. Cette mobilisation historique de 42% du Parlement n’a été possible que grâce à de nombreux eurodéputés qui ont eu le courage de s’affranchir de leur groupe ; le Parti Populaire Européen, l’Alliance Progressiste des Socialistes & Démocrates et Renew Europe avaient en effet donné pour consigne de voter la levée d’immunité. R&PS veut voir dans ce geste, un premier pas vers le dépassement de l’Europe des États et la construction d’une Europe des peuples et des citoyens.
L’affaire est loin d’être terminée puisque les trois députés devraient saisir la Cour de Justice de l’UE mais la symbolique européenne est bien mal engagée.

Jour noir pour la démocratie en Europe

Leïla Chaibi eurodéputée insoumise

SOURCE : LE MONDE EN COMMUN. 10 MARS 2021

Le mardi 9 mars restera gravé comme une journée noire pour la démocratie et l’État de droit en Europe. Ce jour-là, le Parlement européen a voté la levée d’immunité de trois eurodéputés catalans : Tomi Comin, Carla Ponsati et Carles Puigdemont.

Ces trois députés européens sont poursuivis par la justice espagnole pour avoir organisé un référendum sur l’indépendance de la Catalogne en octobre 2017. Plus précisément, ils sont poursuivis pour les crimes de sédition (une peine qui n’existe que dans le code pénal espagnol), rébellion, désobéissance, et pour malversation de fonds publics afin d’organiser le scrutin. Fin 2019, neuf dirigeants restés en Espagne ont été condamnés à des peines de 9 à 13 ans de prison sur ce même dossier.
La procédure a été dénoncée aussi bien par l’Organisation des Nations Unies qu’Amnesty international ou encore la Fédération Internationale pour les Droits Humains. Jusqu’à 13 ans de prison pour avoir organisé un référendum, c’est ce qui attend ces trois eurodéputés dont l’immunité a été levée.
La question ici n’est pas celle de savoir si la Catalogne doit ou non être indépendante. L’enjeu concerne le respect de l’état de droit par les Etats membres de l’Union européenne. La question est de savoir si des élus peuvent être poursuivis pour des actions qu’ils mènent dans un cadre democratique. C’est pour cela que les statuts du Parlement européen prévoient une immunité parlementaire. Cette immunité ne confère bien évidemment pas un passe-droit qui permettrait d’échapper à la justice (c’est d’ailleurs pour cela que les statuts du Parlement européen prévoient que l’immunité d’un député puisse être levée). Cette immunité doit en revanche permettre aux députés d’exercer librement leur mandat sans s’exposer à des poursuites de nature arbitraire ou politique. Ce qui est manifestement le cas pour les trois élus catalans.
Par différents jugements, la justice espagnole a montré qu’elle n’a pas encore complètement rompu avec l’héritage du franquisme. La condamnation du rappeur Pablo Hasel a deux ans et demi de prison pour les paroles de ses chansons est venue le rappeler. La justice belge a également rejeté la demande d’extradition de Lluis Puig, l’ancien ministre de la Culture de l’ex-gouvernement indépendantiste catalan réfugié en Belgique, parce qu’elle considérait qu’il existait un « risque sérieux de violation » de son « droit à un procès équitable » en Espagne.
Conservateurs, socialistes et libéraux de Renew se sont donc donnés la main dans leur grande majorité pour livrer trois élus aux poursuites politiques d’une justice espagnole instrumentalisée. Et cela dans le cadre d’une procédure initiée par un parti d’extrême-droite.
Alors que les condamnations de Lula viennent d’être annulées, cette levée d’immunité résonne tristement : le Parlement européen décide de donner carte blanche aux dérives autoritaires et antidémocratiques qui peuvent exister au sein des États membres. Demain, un pays européen pourrait donc décider unilatéralement d’emprisonner pour des raisons politiques une personne démocratiquement élue. Une défaite morale et politique pour l’Union européenne car la criminalisation des opposants politiques sert toujours les intérêts d’un ordre social antidémocratique.
Le combat est loin d’être fini.
La lutte va continuer au niveau de la justice écossaise pour Ponsati, et belge pour Puigdemont et Comin. Pour le moment, celle-ci refuse de livrer des élus catalans à la justice espagnole.
Les députés européens catalans vont également déposer une requête à la Cour de justice de l’Union européenne car cette levée d’immunité se fait en violation des règles du Parlement européen. En effet, le règlement du Parlement stipule que s’il y a une persécution politique dont le but est d’empêcher l’activité politique de l’élu, la demande de levée de l’immunité doit être rejetée. Or il est clair qu’avec cette utilisation de la justice, les autorités espagnoles instrumentalisent la justice pour régler des différends politiques. Elles n’ont qu’un but : empêcher l’activité politique des ces élus en en faisant des prisonniers politiques.
Il y a un an, je m’étais rendu à la prison de Lledoners en Catalogne pour échanger avec Oriol Junqueras, Raül Romeva et d’autres responsables catalans emprisonnés, pour leur apporter mon soutien, celui de La Gauche au Parlement européen ainsi que celui de la France insoumise. Je leur avais adressé mon soutien et je leur avais dit ma volonté que les prisonniers politiques soient libérés. Mes collègues eurodéputés élus comme moi démocratiquement doivent continuer de siéger à mes côtés au Parlement européen. Leur place est là-bas et non en prison.
On ne peut régler un conflit politique par la judiciarisation. Il en va du respect de la démocratie et des droits fondamentaux de l’ensemble des citoyens de cette planète.

La Question de la Catalogne

(seconde partie de la brochure de la commission internationale d’Ensemble ! sur la situation internationale : « Des espaces en tension » – Automne 2020 – note n°7)

Le surgissement de la question catalane à l’automne 2017 fait suite à une riche histoire nationale et à un « procès » ouvert en Catalogne dès juillet 2010 sous l’impulsion de mouvements citoyens, culturels et sociaux à échelle de masse (ANC, Omnium puis CDR). Il s’agit bien d’un processus d’autodétermination, dans l’Etat espagnol et à l’échelle de l’UE, et d’une réactivation de ce qu’on a longtemps appelé « la question nationale » ou « nationalitaire » au XX°siècle.

Ici, ce processus a connu un cycle de mobilisations et d’accumulation de forces, débouchant sur l’automne catalan de 2017. Les manifestations de masse, son ancrage populaire et la polarisation de la société catalane autour de l’exigence de l’auto-détermination et de l’indépendance s’est exprimée dans la rue, dans les urnes et dans les institutions. Cette exigence est partagée par une légère et fragile majorité de la population mais contestée par une forte minorité de celle-ci. Durant cette phase ascensionnelle, la dynamique du « procès » s’est exprimée de manière multiforme : culturelle, sociale, politique. Trois forces politiques principales l’ont représentée : la droite catalaniste historique de Pujol et Puigdemont -de plus en plus distant avec le pujolisme et évoluant vers l’indépendantisme- qui représente une partie éclairée de la bourgeoisie catalane, l’ERC -la gauche républicaine catalane, la plus encline au compromis avec l’Etat espagnol- et, dans une moindre mesure sur le plan électoral, la gauche alternative indépendantiste de la CUP.

La violence de la répression de l’Etat espagnol -issu d’une « transition démocratique » qui a en réalité préservé l’héritage franquiste dans une partie de l’appareil d’Etat, particulièrement dans la justice, et cadenassé les institutions- s’est ajoutée à un contexte de crise politique et de discrédit très profond d’une représentation politique -à droite surtout mais aussi du côté du PSOE- rongée par la corruption et objet du rejet des politiques d’austérité de l’une et de l’autre.

Les épisodes des condamnations -une répression sans précédent depuis la « transition »-, de l’exil et des procès d’une partie des dirigeant·es indépendantistes ont marqué les esprits et contribué au surplace dans le rapport de forces et dans le déploiement de la mobilisation populaire en Catalogne. Mais surplace ne veut pas dire inversion de ce rapport de forces.

Le « procès », s’il est toujours vivant, marque donc le pas, faute de perspectives et d’une majorité plus nette comme point d’appui.

Cette situation de surplace met à nu les incertitudes stratégiques du camp de l’autodétermination et de l’indépendance catalanes. Ces incertitudes, déjà perceptibles en phase ascensionnelle, expliquent les tensions internes du camp catalaniste, de plus en plus divisé entre le réformisme illusoire -dans ses tractations avec le gouvernement socialiste-PODEMOS-, sans résultat tangible et sans perspective de l’ERC d’une part, et l’affaiblissement et la faible lisibilité du projet de la droite catalaniste d’autre part. Il A cela s’ajoute le poids à la fois bien réel mais encore insuffisant d’une CUP divisée, dont les propositions s’appuient sur le mouvement social et culturel et sont souvent reprises en retour par celui-ci.

La passe difficile actuelle peut aussi être l’occasion, notamment pour l’aile radicale du « procès », de s’interroger sur la perspective de la « république catalane » -qui ne prenne pas nécessairement la forme d’un Etat catalan à l’ancienne-, la stratégie pour y parvenir et le contenu social et écologiste, féministe et autogéré que veut donner à cette république une partie de l’aile radicale du « procès ». Une république conçue, rappelons-le, comme « ouverte à toutes et tous », aux antipodes de toute conception nationaliste « ethnique » et dans un cadre à la fois européen et euro-méditerranéen.

À la Une

Lettre aux europarlementaires : voter NON à la demande de levée de l’immunité des 3 député.e.s catalan.e.s

Lundi prochain, 8 mars 2021, vous allez vous prononcer sur la demande de levée de l’immunité de trois de vos collègues, les député.e.s européenne.s catalan.e.s Carles Puigdemont, Toni Comín et Clara Ponsatí. Ce faisant, la situation catalane, cessera d’être seulement une « affaire interne espagnole », pour éclater au grand jour dans le lieu le plus symbolique des institutions européennes et de la défense de la démocratie, le Parlement européen.

À travers cette lettre, notre Coordination des collectifs de solidarité avec le peuple catalan tient à souligner une série d’irrégularités qui ont entaché le débat et, par conséquent, la décision de la commission juridique du Parlement européen puisque des aspects juridiques et politiques ont été  mélangés dans cette affaire.

Tout d’abord :

  • les trois demandes de levée de l’immunité auraient dû faire l’objet de trois dossiers distincts ;
  • la composition de la commission des Affaires juridiques surprend par le nombre élevé d’eurodéputés espagnols : 5 sur 25, y compris son président. C’est tout à fait inhabituel et l’on ne peut que s’interroger sur l’intérêt de l’Espagne à contrôler cette commission ;
  • le dossier de votre collègue Clara Ponsatí, ex-ministre de l’Éducation du gouvernement catalan, comportait une erreur de poids. En effet, au délit de sédition pour lequel le Tribunal Suprême Espagnol réclame son extradition avait été ajouté celui de malversation, délit duquel Mme Ponsatí n’est pas accusée. Cela a été corrigé récemment, après le vote et l’avis rendu par la commission ;
  • l’obligation de confidentialité de la procédure n’a pas non plus été respectée et certains membres se sont exprimés dans les médias espagnols au cours de celle-ci. Le président du Parlement européen, David Sassoli, s’est d’ailleurs engagé à mener une enquête.

Par ailleurs, lors des traductions des mandats d’arrêts internationaux par les différents services juridiques, le mot « malversation » est devenu « corruption » et à côté de celui de « sédition », on voit apparaître « rébellion », qui ne fait pas partie  des chefs d’inculpations. Cela dit, il nous semble important de préciser, et cela est très facilement vérifiable, que, d’une part, les finances catalanes étaient, à cette époque-là, sous la tutelle exclusive du ministre de l’Economie espagnol, Cristóbal Montoro, et que, d’autre part, le concept de sédition n’existe dans aucun autre pays d’Europe ; enfin pour qu’il y ait rébellion il faut « un soulèvement armé ». Tordre ainsi les faits et les mots pour condamner vos collègues inculpé.e.s relève de la vengeance politique, voire de la persécution. C’est une attitude que notre coordination considère anti démocratique et très dangereuse pour les droits de tous les élu.e.s et de tous les citoyen.ne.s européens.

En outre, il faut rappeler que, en 2018, les tribunaux écossais, belge et allemand ont refusé d’extrader les trois responsables catalan.e.s, devenu.e.s par la suite eurodéputé.e.s, en arguant que ce chef d’inculpation est absent de leurs codes pénaux respectifs.

Il y a à peine deux mois, le Tribunal d’Appel belge a refusé d’extrader l’ex-ministre de la Culture exilé, Lluis Puig, sur la base, entre autres, des considérations présentées en mai 2019 dans le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU. Le juge a affirmé qu’ « il existe un sérieux risque de violation du droit à la présomption d’innocence et du droit à un procès juste ».

Ces quelques raisons invoquées ut supra mettent en évidence que, sous une apparence légale, il  s’agit, en réalité, d’une persécution politique, un cas de « fumus persecutionis ».

Ces raisons expriment aussi l’extrême préoccupation de notre Coordination en ce qui concerne l’issue de la demande de levée de l’immunité de vos collègues, eurodéputé.e.s catalan.e.s. Si le vote de la séance plénière était favorable à la levée de celle-ci, il impliquerait, certes, des limitations dans leur vie quotidienne, mais, au-delà, il constituerait un grave précédent au sein du Parlement européen, institution conçue pour garantir le respect et la défense des droits humains. Il convient de se prémunir contre toute attaque contre la démocratie. Il y va de notre survie.

Aujourd’hui, ce sont les député.e.s catalan.e.s qui sont visé.e.s par cette procédure, mais si elle est votée, elle pourrait ensuite être utilisée contre n’importe lequel de vos collègues, y compris contre vous-même.

Nous vous appelons Madame la Députée, Monsieur le Député, si vous restez attaché aux valeurs démocratiques fondatrices de l’Union Européenne, à ne pas suivre l’avis de la Commission des Affaires juridiques et à voter NON à la demande de levée de l’immunité parlementaire de vos collègues Carles Puigdemont, Toni Comín et Clara Ponsatí.

Le sort de vos collègues est entre vos mains.

Coordination des collectifs de solidarité avec le peuple catalan

Le 4 mars 2021

Lettre ouverte à Pablo Hasel

Après trois jours de movilisations pour l’emprisonnement de Pablo Hasel, Jordi Cuixart, en prison depuis trois ans et quatre mois , lui adresse des mots dans cette lettre publiée par El Salto et La Directa.

Jordi Cuixart . Ex-président d’Omnium Cultural en prison depuis 3 ans
19 février 2021

Carissimo Pablo,

Avec ce superlatif, Gramsci commença toutes les lettres à Tatiana; c’est l’une des premières choses que j’ai découvertes à Soto del Real il y a plus de trois ans. Je t’embrasse depuis la cellule, convaincu qu’ils ne t’ont pas mis en prison dans ton intérieur.

Ponent (note de traduction : Prison de LLeida où est incarcéré P Hasel) est à 120 kilomètres de Lledoners (note de traduction : Prison de Barcelone où est incarcéré J Cuixart), mais au fond, toutes les prisons du monde sont au même endroit, dans la partie la plus obscure du système, où personne ne veut regarder, car c’est là que réside la mère de toutes les injustices. Mais c’est ici aussi qui se rassemblent des tonnes d’humanité, presque impossibles à trouver au-delà des murs.

En 2018, lorsque nous avons présenté « Demà pots ser tu » note de la traduction : « Demain c’est peut-être toi), les avocats d’Òmnium m’ont expliqué que tu participais à la campagne. Et je me souviens que j’étais très excité, car pour l’aîné de mes deux enfants, tu as toujours été l’un des rappeurs référents, et cela nous a un peu plus unis.

La prison regorge d’apprentissages, et je suis convaincu que cela vous rendra encore plus rebelle de savoir de première main comment les inégalités s’acharnent sur de bon nombre de nos compagnons de module. Assumer les conséquences de ses propres actes pour dénoncer ceux qui emprisonnent la protestation et la dissidence politique (et culturelle) est aussi une raison pour donner un sens à nos vies. Pour transformer la frustration en lutte pour l’espoir.

La liberté d’expression est défendue en l’exerçant. En plein XXIe siècle, quand l’État espagnol se consolide en menant le classement de la répression artistique, devant l’Iran et la Turquie, comme le souligne Freemuse, tu as décidé d’utiliser ta situation comme une caisse de résonance, et cela mérite une reconnaissance absolue.

La police entre à l’université pour arrêter et emprisonner un chanteur, pendant que le fascisme ravive la haine dans les rues, devant les tribunaux, sur les réseaux sociaux et dans les parlements, en même temps que les crimes de haine contre les personnes LGTBI se multiplient, comme le rapporte l’Observatoire contre l’homophobie. Xavier Vinader (note de traduction : journaliste d’investigation) l’a déjà dit: « L’Etat ne voit pas l’extrême droite comme un danger, mais comme une collaboration nécessaire ».

Le fonctionnement des pouvoirs de l’État contre la dissidence est permanent et ne s’arrête malheureusement pas à ton emprisonnement. En fait, des condamnations comme celle de la Cour suprême du 1er octobre donnent carte blanche pour la persécution des droits et libertés de tous les citoyens. Ton emprisonnement, comme celui de Dani Gallardo ou des camarades d’Altsasu, sont les mêmes visages d’une vague qui somme également environ 3000 poursuivis dans la lutte pour l’autodétermination.

Mais que personne ne l’oublie: cette répression vient de loin. Parce que le dictateur est mort au lit et, tant que justice n’est pas rendue aux crimes du régime franquiste, l’État est condamné à vivre avec ses propres fantômes. Aujourd’hui, le fascisme n’a pas quitté les structures du pouvoir étatique et, pour commencer, Felipe VI représente l’héritage franquiste et est prêt à tout pour ne pas perdre les privilèges hérités de son père et du régime de 1978.

“Nous agissons plus en condamnant les injures à la couronne que condamner les injures de la couronne”, a reconnu l’actrice Ana Milán alors que la voiture t’emmenait. Il est clair qu’il serait imprudent d’accepter docilement la crise démocratique et sociale que nous traversons, ainsi que l’urgence climatique, le patriarcat et les ravages d’une pandémie mondiale. Car en plus d’être le seul état de l’Union européenne auquel Amnesty International réclame la libération des militants, l’Etat espagnol mène aujourd’hui un autre triste classement, celui de 40% de chômage des jeunes. Ils croient que les jeunes resteront chez eux et renonceront à se battre pour leur avenir?

Lorsque le droit fondamental à une vie digne est violé, nous n’avons d’autre choix que de cultiver le respect des droits humains, même en dehors de la loi. Après tout, souligner ses lacunes est le meilleur service que nous puissions rendre en démocratie. La pression citoyenne est avant tout une garantie contre l’immobilité de l’état de droit, car aucune société n’est libre sous des lois auxquelles elle ne reconnaît aucune légitimité.

Et, comme l’a expliqué Howard Zinn, si nous obéissons tous à la voix de la conscience, le chaos ne se produit pas, mais ceux qui répriment le font déjà en suivant leur propre conscience. Précisément pour cette raison, au lieu de préserver la création, qui nous stimule et nous donne du pouvoir, au milieu d’une spirale régressive, l’état se consacre à emprisonner la culture.

Ainsi, face à la peur des rappeurs, des urnes ou des militants culturels, la seule réponse est de recommencer. Tout comme font l’ami Abel Azcona ou la journaliste Helena Maleno après instructions et plaintes; nous devons continuer à exercer les droits poursuivis chaque fois que cela soit nécessaire et où que ce soit.
Mon cher Pablo, résiste. Tu sais que tu as le soutien de milliers et de milliers de personnes qui ne cesseront jamais d’exiger ta libération immédiate. Et, de plus, tu as fait que beaucoup de gens, et quelques artistes qui regardaient ailleurs pendant trop longtemps, élèvent leur voix contre la loi du bâillon.
Le seul combat qui est perdu est celui qui est abandonné, alors, quoi qu’il arrive, n’oublie pas de respirer et que liberté intérieure, même s’ils nous enferment longtemps dans la cellule, personne ne pourra jamais nous l’enlever. Et c’est aussi notre victoire.
Reste libre et ayons du courage.
Siempre hacia adelante !

À la Une

Manon Aubry : « Nous sommes confrontés à une menace pour la démocratie »

Entretien avec l’eurodéputée de la France Insoumise, indignée par la tentative de levée de l’immunité à Puigdemont, Ponsatí et Comín.

Par: Andreu Barnils
VilaWeb 25/02/21

Manon Aubry (1989) est eurodéputée de la France Insoumise et co-présidente du groupe de la Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne -Gauche verte nordique au Parlement européen. Aubry a fait partie de la commission [des Affaires juridiques] qui vient de recommander à la plénière du parlement de lever l’immunité parlementaire de Carles Puigdemont, Clara Ponsatí et Toni Comín. Si la plénière suit la commission, les trois eurodéputés devront se présenter devant les tribunaux belges et écossais pour faire face à une euro-ordre européenne jusque-là restée sans effet. Manon Aubry ne partage pas la recommandation et estime que les trois eurodéputés catalans font l’objet d’une persécution politique pour leurs idées, et que la décision de la commission n’est ni indépendante ni fondée sur des bases juridiques. Dans cet entretien téléphonique avec VilaWeb, l’eurodéputée est alarmée par le précédent qui pourrait créer cette affaire. Selon elle, les eurodéputés pourront désormais être persécutés pour leurs positions politiques. Elle y voit une menace pour la démocratie.

Comment évaluez-vous la décision de la commission, qui recommande la levée de l’immunité des trois eurodéputés catalans ?
—Je pense que la décision est très problématique. La question n’est pas de savoir si la Catalogne doit être indépendante ou non. La question est de savoir si les personnes démocratiquement élues par des centaines de milliers de voix peuvent être entendues au parlement. Je pense que la décision de ne pas les vouloir au parlement est clairement politique. Et si vous regardez les poursuites judiciaires contre eux trois, vous voyez qu’en Espagne, elles ont été également initiées par l’extrême droite, contre l’avis des Nations Unies et d’Amnesty International, qui affirment que ce processus judiciaire peut être arbitraire. Depuis le début, l’Espagne a tenté de les empêcher de devenir eurodéputés. C’est une décision politique depuis le tout début. Et je crains que cela n’établisse un précédent. Ceci signifierait que nous ne sommes pas en mesure de protéger les membres du Parlement européen qui ont été élus démocratiquement. Vous pouvez être d’accord ou non avec Puigdemont, Ponsatí ou Comín, mais le fait est qu’ils ont été élus démocratiquement. Et la décision de la commission est erronée car elle est motivée par des positions politiques et non pas juridiques.
Puigdemont, Ponsatí et Comín n’étaient pas eurodéputés lorsque les faits pour lesquels on veut les juger ont eu lieu.
—Le problème ici est que des poursuites sont intentées contre eux pour leur position politique. Ils sont persécutés pour des idées politiques, parce qu’ils défendent l’indépendance de la Catalogne et parce qu’ils ont organisé un référendum. Par conséquent, toute cette affaire a à voir avec leur positions politiques et leurs décisions politiques. Et c’est pourquoi ils doivent être protégés, car c’est précisément la position d’un membre du Parlement européen : avoir une position politique protégée.
Il y avait de nombreux eurodéputés espagnols au sein de la commission. Est-ce fréquent ?
—Chaque groupe choisit qui il y envoie. Et dans l’ensemble, oui, il y avait beaucoup d’espagnols. Et cela a provoqué un débat très espagnol, plutôt qu’européen sur l’opportunité de lever ou non l’immunité. Par moments, je ne me suis certainement pas retrouvée pas à ma place. Bref, je pense qu’on peut dire que ce n’était pas une décision indépendante, celle de la commission.
Le président de la commission était un eurodéputé de Ciudadanos.
—Oui. Des règles de confidentialité existent et affectent également la manière dont le débat s’est déroulé. Je n’ai pas le droit de dire quoi que ce soit à ce sujet. Je veux respecter les règles, sachant que d’autres eurodéputés ne l’ont pas fait. Et ils ont été critiqués pour cela. Mais je peux vous dire que je ne suis pas certaine que cela ait été réalisé avec l’indépendance qui aurait été nécessaire. Cependant, je ne critiquerai personne en particulier.

Celui qui a rédigé le rapport fait partie de l’extrême droite européenne. Surprenant.
—Comme je l’ai dit, je ne vais pas parler des gens. Je dis qu’une décision politique a été prise, et nous devons la considérer comme telle. Et c’est très dangereux.

Le rapport a été divulgué à la presse espagnole.
—C’est une violation des règles de confidentialité que je vous ai déjà mentionnées. J’ai été encore plus surprise quand j’ai vu que le rapport avait été divulgué à la presse d’extrême droite. J’espère que la fuite sera rapportée au président du parlement. Et j’espère que nous découvrirons qui l’a faite. Et qu’il en paie le prix. Parce qu’il a enfreint les règles du Parlement européen.

La commission recommande de lever leur immunité. Quel vote pouvons-nous attendre de la plénière ? Le même ?
—La majorité pour leur retirer l’immunité était suffisamment importante. Par conséquent, je soupçonne qu’en plénière, ce sera similaire. Je n’en ai pas la certitude, mais c’est très probable. Et je le regrette profondément. Et c’est pourquoi j’appelle mes collègues parlementaires à voter sans se baser sur leur vision de la Catalogne ou de l’Espagne. Ce n’est pas le problème. La question est de savoir si nous sommes du côté de la démocratie ou non. Et je sais parfaitement de quel côté je suis. À côté de la démocratie. Je pense aux centaines de milliers de Catalans qui ont voté pour leurs représentants. Et maintenant, certains veulent qu’ils ne puissent plus les représenter. Ni que leur voix puisse être entendue. Ce qui est clairement du deux poids deux mesures : d’une part, nous signalons Orbán et d’autres autoritaires en Hongrie, mais nous devons défendre la démocratie dans le même sens en Espagne. C’est une question purement démocratique. C’est pourquoi je suis si préoccupée : si nous ne défendons pas les députés démocratiquement élus maintenant et laissons les systèmes judiciaires nationaux les persécuter, demain, ce sera peut-être moi. Si mon gouvernement n’est pas satisfait de ce que je fais, ça pourrait être moi. Ou un autre. Tout cela est très dangereux car cela signifie que chacun de nous peut être réduit au silence pour sa position politique. Nous sommes confrontés à une menace pour la démocratie. Une très grande menace.

Votre groupe au parlement votera-t-il comme vous ?
—Les députés ont la liberté de vote, mais je suis convaincue que le groupe suivra la recommandation, car, peu importe ce que nous pensons de la Catalogne ou de l’Espagne, nous sommes tous du côté de la démocratie. Mais, malheureusement avec mon groupe ce ne sera pas suffisant pour atteindre la majorité. C’est pourquoi j’invite les eurodéputés des autres groupes à bien y réfléchir.

Le grand doute est ce que feront les socialistes et les conservateurs.
—Je pense que la grande majorité voudra retirer l’immunité. Mais le vote en plénière sera secret. Nous ne saurons donc pas non plus ce que chacun a fait. Ce vote sera très important pour la démocratie, mais nous ne saurons pas qui a voté quoi. Ce sont les règles, et nous les respecterons, mais je pense que c’est un problème.

Pour terminer, comment avez-vous connu personnellement le cas catalan ?
—En tant que citoyenne française, j’en entends parler depuis le premier jour. Je connais la Catalogne et j’ai une certaine connaissance de ce qui s’y passe. Je suis les événements. Mais je ne suis pas espagnole, et je n’ai pas besoin d’avoir un point de vue, ou une position, sur l’indépendance. J’essaie uniquement de défendre la démocratie.

Minorité nationale : changement de paradigme ?

Jaume Lopez

ARA.cat                 30/11/2020

La protection des minorités nationales n’a jamais été en rapport avec l’indépendance

Ces derniers temps, plusieurs voix se sont élevées pour souligner la nécessité de lier la soi-disant cause catalane aux droits des minorités nationales. Les allégations dans ce sens de l’avocat Gonzalo Boye dans la défense du président Torra en sont un échantillon. La Catalogne est-elle une minorité nationale ? Une nation ? Une communauté politique sous-étatale ? Depuis quelle approche faut-il défendre le processus de souveraineté? En faisant appel au droit des minorités nationales?, au droit à l’autodétermination?, au droit de décider?

D’abord, il faut dire qu’il peut difficilement en résulter des revendications exclusives, mais plutôt complémentaires qui impliquent des paradigmes de légitimité différents et surtout qui mettent l’accent sur des cadres juridiques et institutionnels différents. Si, par exemple, nous voulions dénoncer le rejet de polluants dans une rivière, nous pourrions le dénoncer aux autorités environnementales comme une attaque contre l’environnement et la biodiversité, mais aussi, certes, nous pourrions souligner l’infraction du droit à la santé devant les autorités sanitaires et, même, le cas pourrait être porté devant le ministère de l’Industrie en soulignant la faute professionnelle et le non-respect des processus de qualité dans la fabrication et le traitement des déchets.

Tous ces canaux seront complémentaires, à moins que la plainte de l’un d’eux n’exclue les autres, ce qui ne se produit généralement pas s’ils sont conduits dans différentes institutions (agence de l’eau, plainte auprès de la justice pour atteinte à la santé, bureau de la qualité industrielle).

Quelque chose de semblable peut se produire avec les diverses appelations dans la cause catalane, possiblement il n’y en aura pas une intrinsèquement meilleure que les autres, mais peut être qu’elle résonnera plus dans les diverses institutions et formes de légitimité. Et, d’autre part, avec des pro et des contre diverses, qui vaut la peine de prendre en compte. Ou du moins distinguer conceptuellement.

On pourrait comprendre que la « minorité nationale catalane » est composée de la moitié des habitants actuels de la Catalogne.

D’une manière générale, le droit à l’autodétermination a l’avantage qu’il s’agit d’un concept universel bien connu qui fait appel au droit de toutes les nations de devenir des États, ou du moins c’est ainsi qu’il est perçu dans l’imaginaire collectif. L’inconvénient est que, dans la jurisprudence internationale, il a été distingué entre l’autodétermination interne (autonomie gouvernementale au sein des États) et l’autodétermination extérieure (indépendance) et il a été interprété qu’elle ne peut être revendiquée devant l’ONU que dans les processus de décolonisation. Par exemple, dans le cas du Sahara Occidental. La Catalogne serait laissée de côté dans cette perspective, bien que cette délimitation progressive du droit mentionnée dans le premier article de la Charte des Nations Unies puisse être discutée.

Le droit de décider, si important chez nous, a l’inconvénient qu’il s’agit d’un concept et non d’un droit reconnu dans aucun document juridique. Il veut faire référence à la perspective de la fameuse décision de la Cour suprême du Canada selon laquelle, dans une démocratie, il devrait être possible de répondre aux revendications en faveur de l’indépendance d’une partie du territoire si celles-ci sont exprimées démocratiquement et clairement. Dans cette perspective, c’est la composante démocratique et la lecture ouverte de la Constitution qui légitiment l’appelation. Rappelons que le Québec a tenu deux référendums sur l’indépendance (1980, 1995) avant d’être reconnu comme nation par le Canada (2006) et que la composante nationale est étrangère à l’argumentation de la Cour.

Enfin, la protection des minorités (nationales, ethniques, linguistiques, culturelles…) n’est pas seulement présente dans plusieurs traités internationaux, mais, comme le souligne l’avocat Boye, elle se trouve également dans l’article deux du traité de l’Union européenne. Les minorités doivent souvent être protégées de la discrimination ou de la dictature de la majorité. Et sans aucun doute, la catalanophobie et l’absence de réponses adéquates pour un bon accomodement et une bonne gestion de la diversité interne peuvent être des exemples de infraction des droits des minorités nationales de l’État (espagnol). Néanmoins, d’un point de vue international, leur protection n’a jamais été liée à l’indépendance, mais, d’un point de vue politique, à l’autodétermination interne. Un autre inconvénient est la possible déterritorialisation de la demande, étant donné que c’est aux membres des minorités qu’on veut donner protection en premier lieu. En d’autres termes, quelqu’un pourrait comprendre que la « minorité nationale catalane » est composée de la moitié des actuels habitants de la Catalogne.

En Catalogne, entre 2006 et 2016, le cadre hégémonique était le droit de décider ; avec l’horizon du référendum, il est allé vers le droit à l’autodétermination. Sommes-nous confrontés à un nouveau changement de paradigme? Au-delà des stratégies internationales et juridiques, il est également nécessaire de jetter un œil sur le cadre conceptuel que chacune de ces voies implique dans la politique intérieure et dans l’interprétation et la socialisation des revendications légitimes.

À la Une

BRISER LE SILENCE

Communiqué Ligue des droits de l’homme 12 février 2021

Alors que se profilent les prochaines élections – prévues le 14 février – devant renouveler le gouvernement de la Generalitat à la suite de la destitution de son président Quim Torra le 28 septembre dernier, rien n’est réglé concernant celles et ceux qui, depuis octobre 2017 ou mars 2018, sont emprisonnés.

Sept membres du gouvernement de la Generalitat et deux présidents d’associations ont été condamnés pour sédition à dix et treize ans de prison après avoir organisé un référendum en octobre 2017 sur l’indépendance de la Catalogne.

Après un procès vivement critiqué, notamment dans le rapport commun établi par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et EuroMed Droits, ils sont dans l’attente de la décision du Tribunal suprême, condition préalable pour saisir la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

Au niveau européen la situation n’est pas meilleure : trois membres de l’ancien gouvernement de la Generalitat élus députés européens font l’objet d’une procédure de demande de levée d’immunité parlementaire à la demande du gouvernement espagnol.

La question de l’indépendance ou non de la Catalogne a aveuglé bon nombre d’observateurs depuis plus de trois ans au point de ne même plus s’indigner de voir des prisonniers politiques purger de lourdes peines de prison juste à nos frontières. Le silence est tel, sauf en Catalogne, que l’on peut s’interroger sur le respect des droits fondamentaux qui ne peut être à géométrie variable.

La demande d’un règlement politique et non judiciaire a été faible auprès d’un gouvernement, celui de Pedro Sanchez, qui se trouve aux prises avec un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire dont la majorité des membres est issue de l’ancienne majorité de droite empêchant tout règlement politique d’un conflit.

Pourtant dès juin 2019, en plein déroulement du procès, un groupe de travail sur les détentions arbitraires d’un organisme dépendant des Nations unies a demandé la libération immédiate des prisonniers politiques, considérant qu’ont été violés par la justice espagnole les droits des condamnés : droit à la liberté d’expression, droit de manifestation pacifique, droit à la liberté et à la sécurité de la personne, égalité devant la loi, droit à la participation aux affaires publiques, droit à la liberté d’opinion.

D’autres voix s’élèvent depuis quelque temps : des parlementaires français ont pris position pour demander la libération des prisonniers et un règlement politique et non judiciaire de la situation des prisonniers politiques, une pétition internationale a été signée par de très nombreuses personnalités.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) appelle à la mobilisation pour la défense des droits fondamentaux en Espagne comme elle le fait en France et partout où ceux-ci sont malmenés.

 

À la Une

Pourquoi la demande de levée de l’immunité parlementaire de Puigdemont, Comín et Ponsatí peut se retourner contre l’État espagnol ?

Source : VILAWEB   15.11.2020  

https://www.vilaweb.cat/noticies/suplicatori-puigdemont-ponsati-comin-analisi-josep-casulleras/

Josep Casulleras Nualart

a demande de levée de l’immunité parlementaire de Puigdemont, Ponsatí et Comín pourrait aboutir, mais elle peut avoir des conséquences juridiques et politiques très graves.

Est-il possible de faire un jugement du jugement ? La bataille judiciaire en exil depuis l’automne 2017 a permis ces trois dernières années de mettre en lumière sur la scène internationale l’ensemble du processus judiciaire contre les dirigeants indépendantistes. Et maintenant, trois ans plus tard, avec l’arrêt de la Cour suprême espagnole sur la table, la procédure de demande de levée de l’immunité parlementaire interposée contre Carles Puigdemont, Clara Ponsatí et Toni Comín par le juge Llarena au Parlement européen, qui est sur le point de reprendre, peut le rendre encore plus visible.

Depuis novembre 2017, lorsqu’un juge belge a laissé en liberté provisoire le président Puigdemont et les conseillers qui étaient allés témoigner pour l’euro-ordre alors que des prisonniers politiques étaient détenus à Madrid, le contraste entre ce que faisait l’Espagne et ce que faisait l’Europe a mis en évidence un système de répression politique. Le rejet des euro-ordres par l’Allemagne et la Belgique a déjà été une façon de juger, avec un concept de justice démocratique et respectueuse des droits fondamentaux, ce que faisait une autre justice qui ne l’est pas parce qu’elle met avant tout l’unité de l’Espagne, à tout prix. La décision de la Cour de justice de l’UE sur Junqueras a représenté un saut en avant dans ce conflit, car elle a permis la reconnaissance de Puigdemont, Comín et Ponsatí en tant que députés européens et, surtout, elle a opposé leur situation à celle du président d’ERC, aussi député européen mais emprisonné. Désormais, s’ouvre encore une nouvelle voie, avec la demande de levée de l’immunité parlementaire, et c’est justement l’État espagnol qui l’active, avec l’obsession de porter Puigdemont devant un tribunal espagnol. Mais, cette manœuvre de longue haleine risque de finir par se retourner contre lui.

Et si la demande de levée de l’immunité parlementaire est approuvée ?

La demande a de fortes chances de réussir, car elle dépend des majorités politiques de la commission juridique et de la plénière du Parlement européen qui, a priori, ne favorisent ni le président ni les conseillers exilés. Les familles politiques du PP, du PSOE, de Ciudadanos et de Vox, toutes quatre totalement alignées sur cette affaire, disposent d’une nette majorité. Cependant, il en ira peut-être autrement lorsqu’on connaitra le sens du vote final, par exemple, des députés du groupe des Socialistes et Démocrates (où se trouve le PSOE) des autres pays, ou des partis libéraux au sein du groupe Renew Europe (où il y a Ciudadanos), et même du groupe populaire.

La procédure de demande durera quelques mois et les sessions de la Commission des Affaires Juridiques où elle sera débattue, dans lesquelles Puigdemont, Comín et Ponsatí pourront s’expliquer, se dérouleront à « huis clos ». Et nous l’écrivons entre guillemets car cette procédure doit se faire en présentiel, selon la réglementation, mais la pandémie, qui avait reporté le début de la procédure, a fait que l’argument forcé de Ciudadanos (qui préside cette commission avec l’eurodéputé Adrián Vázquez) pour la réactiver par visioconférence ait été acceptée par les services juridiques du Parlement européen. Autrement dit, les sessions seront télématiques et pourtant elles devraient rester confidentielles.

Il y a encore un troisième aspect important : le résultat de la procédure, aussi favorable soit-elle au retrait de l’immunité de tous les trois, n’impliquera pas la perte du statut de député européen. Et il aura encore moins à voir avec une quelconque décision sur la demande d’extradition faite par la Cour suprême espagnole. Puigdemont et Ponsatí i Comín continueront à être députés européens et à exercer leurs droits, et en tout cas ils devront comparaître à nouveau devant la justice belge sur la demande d’extradition qui leur a été adressée par le juge Llarena. Cependant, le fait que Lluís Puig ne soit pas membre du Parlement européen et ne bénéficie pas de l’immunité, raison pour laquelle il a dû se soumettre avant à la décision de la justice belge : un refus d’extradition en raison du fait que la Cour suprême espagnole n’est pas la juridiction compétente pour la demander.

La Cour suprême, la persécution politique et un recours à Luxembourg

Ceci est fondamental dans toute cette procédure. La sentence de la justice belge refusant l’extradition de Lluís Puig est au cœur de l’argumentation de la défense des exilés contre cette demande de levée de l’immunité parlementaire. Parce que s’il y a bien un argument convaincant pour refuser la demande, c’est qu’il y a des preuves de persécution politique derrière la pétition. Et le fait que ce soit la Cour suprême qui en fait la demande peut en être la preuve. Pour la justice belge, ça l’est. Le juge a insisté plus d’une fois, dans la sentence du 7 août dernier : il a dit que le respect de l’article 6 de la Convention des droits de l’homme était mis en péril, c’est-à-dire le droit de Lluís Puig d’avoir un procès équitable, car la Cour suprême n’était pas compétente pour demander son extradition. Cela violait le droit du juge naturel. Mais c’est que ce droit a été violé à tous les prisonniers qui ont été jugés (et condamnés) par la Cour suprême, et tout cela parce que l’État espagnol a voulu exhiber la punition des principaux leaders indépendantistes en cette haute cour, la même qui avait jugé Lluís Companys, et dans la même salle, et le faire à Madrid au lieu de Barcelone, dans un tribunal « mineur ». Et nous y revoilà : comment peut-on comprendre que la justice d’un pays de l’Union européenne dise cela et que la Cour suprême espagnole ait déjà jugé et condamné les prisonniers politiques ? C’est une étape supplémentaire dans le jugement du jugement qui est fait sur la scène internationale.

Voici un argument clé important dans cette procédure. Que la majorité politique au Parlement européen le prenne en compte ou pas, c’est une autre chose. Les arguments juridiques avancés qui ne seraient pas pris en compte, c’est-à-dire au cas où la pétition serait acceptée, pourraient être à nouveau utilisés dans un éventuel recours devant la Cour de justice de l’UE. Les équipes juridiques des trois eurodéputés ont depuis longtemps averti tant les services juridiques de la chambre que tous les députés européens de l’irrégularité qui implique de mener une procédure de pétition comme celle-ci lorsque le tribunal qui la demande n’est pas compétent pour le faire, ou quand il y a de très sérieux doutes que ce soit le cas et qu’ils soient même dénoncés par la justice d’un pays membre de l’UE comme la Belgique. Si, toutefois, la pétition va de l’avant et est acceptée, les droits des représentants au parlement de plus d’un million de citoyens européens qui ont voté pour eux ne seraient-ils pas bafoués ?

Les équipes juridiques de Puigdemont, Comín et Ponsatí ont un autre argument qu’il serait très difficile d’expliquer que le Parlement européen néglige : la sédition est un crime archaïque, qui n’existe pas dans la grande majorité des états de l’UE, et les délits du code pénal des autres juridictions auxquels elle pourrait être comparée impliquent des peines beaucoup plus faibles que celles imposées aux prisonniers politiques. Techniquement, cela devrait déjà être une raison pour rejeter la demande de levée de l’immunité. Si la commission des affaires juridiques, d’abord, et le Parlement européen ensuite approuvaient la levée de l’immunité du président et des conseillers, ils auraient négligé une raison très claire de rejet de la pétition. Et cela pourrait également servir de base à l’interjection d’une cause en justice européenne.

Il est clair qu’il n’y a pas de précédent d’un député européen dont l’immunité ait été levée qui saisit la justice européenne. Mais il n’y en avait pas non plus du TJUE reconnaissant l’immunité d’un député européen qu’un État membre maintien en détention. La voie judiciaire vers le TJUE après une éventuelle acceptation de la pétition est incertaine car au final la décision aurait été prise par le Parlement européen par vote, d’abord en commission puis en plénière. Mais il y a aussi des éléments du droit de l’UE qui, s’ils sont ignorés par les membres de la Commission des Affaires Juridiques lors de l’approbation d’une proposition de levée d’immunité, peuvent être pris en compte par le Tribunal de Luxembourg. Nous en avons évoqué certains, comme l’arbitraire du délit de sédition (et lorsque le gouvernement espagnol lui-même vient d’annoncer qu’il entamera les procédures pour le réformer) et l’incompétence de la Cour suprême à demander au Parlement européen une pétition de levée de l’immunité parlementaire.

Il est désormais plus clair ce qui pourrait advenir au cas où Puigdemont, Comín et Ponsatí devraient comparaître devant le tribunal belge. Le précédent de Lluís Puig est important. Alors que se passe-t-il si, après une éventuelle levée d’immunité, la Belgique refuse l’extradition ? Dans ce cas, que ferait la Cour suprême ? Maintiendrait-elle, comme à ce jour, l’interdiction d’entrée à l’État espagnol des trois députés européens dont tous leurs droits seraient reconnus ? Ils peuvent désormais circuler librement dans tous les États de l’Union, à l’exception de l’Espagne, un autre argument de poids pour expliquer à la Commission des Affaires Juridiques pourquoi il s’agit d’un cas de persécution politique. Cela continuerait-il d’être le cas, indépendamment que la pétition soit accordée et suivie par un refus d’extradition de la justice belge ou pas ?

Les trois députés européens garderaient leurs droits et prérogatives intacts, et il reste à voir dans quelle mesure cela entraînerait légalement la récupération de l’immunité. Il est clair cependant que d’un point de vue réglementaire, la Cour suprême espagnole ne pourrait pas demander à nouveau la levée de l’immunité des députés européens ; ni Llarena ni aucun autre magistrat ne pourrait interposer à nouveau une procédure de levée de l’immunité parlementaire. Ils se trouveraient dans une impasse, si c’est le cas, car la persécution judiciaire des députés Puigdemont, Comín et Ponsatí ne pourrait plus continuer. Quelle excuse la Cour suprême va-t-elle alors invoquer pour les empêcher de rentrer dans l’État espagnol, et mettre à nouveau les pieds en Catalogne ? Comment justifier le maintien d’un mandat d’arrêt après l’achèvement de toute cette procédure ? Llarena serait pieds et poings liés. Et l’image de l’Espagne en souffrirait, bien entendu, car cette pétition aura un écho médiatique et politique très important en Europe.

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C’est ainsi qu’ils envisagent de retirer l’immunité parlementaire européenne à Puigdemont, Comín et Ponsatí

Analyse Josep Casulleras Nualart

Source : VILAWEB                            22.11.2020  

https://www.vilaweb.cat/noticies/suplicatori-puigdemont-comin-ponsati-analisi/

Les eurodéputés espagnols se sont précipités pour prendre une place dans une commission parlementaire cruciale pour l’immunité des exilés catalans.

L’eurodéputé qui a entre ses mains une grande partie de la décision concernant l’immunité des trois parlementaires, élus par plus d’un million de citoyens, est un ultra-conservateur au discours homophobe et xénophobe. Le bulgare Angel Dzhambazki, a fait en plus,  au moins deux choses importantes lundi 16 novembre : dans la matinée, il a prononcé le premier discours devant la Commission des Affaires Juridiques du Parlement Européen présentant le cas de la demande de levée de l’immunité parlementaire de Carles Puigdemont, Toni Comín et Clara Ponsatí. C’est lui qui devra faire le rapport sur lequel  la commission devra voter, proposant soit de retirer l’immunité aux 3 eurodéputés, comme la Cour suprême espagnole le demande, ou bien de la maintenir. En soirée, Dzhambazki lançait, depuis la fenêtre du bâtiment de son parti, le Mouvement national bulgare, des pétards sur les manifestants qui protestaient contre la corruption du gouvernement dont son parti fait partie. Les images on impacté en Bulgarie. Un eurodéputé qui attaquait les manifestants avec des pétards et qui les arrosait avec un tuyau d’eau !

Le 7 décembre Angel Dzhambazki devra donc écouter les allégations de Puigdemont, Comín et Ponsatí; il devra réviser la nombreuse documentation que leurs avocats ont soumis à la commission pour démontrer qu’il s’agit d’un cas de persécution politique plein d’irrégularités ; ainsi il devra prendre note des interventions qu’il y aura dans le débat entre les vingt-cinq membres de la commission sur le bien- fondé d’accepter cette procédure ; il devra aussi  prononcer et élaborer une proposition argumentée. Lui, Dzhambazki, qui a participé à un événement de Vox dans le  Parlement Européen en mars 2019 sous le titre « Catalogne, une région espagnole ». Un événement qui a eu lieu peu de temps après que le Parlement européen interdise une conférence du président Puigdemont et du président Torra.

Le député européen ultra-conservateur bulgare Angel Dzhambazki.

Deux autres incidents controversés figurent sur le curriculum vitae de Dzhambazki en tant que député européen : en décembre de l’année dernière, il a été arrêté alors qu’il conduisait ivre, dépassant le taux d’alcoolémie autorisé en Bulgarie, et un an plus tôt, en novembre 2018, il a été arrêté à l’aéroport de Sofia parce qu’il voyageait avec une arme à feu. Le fait que le rapport sur la procédure contre Puigdemont lui ait été attribué est dû, en partie, à un facteur aléatoire : l’eurodéputé responsable de la commission est nommé par un système de rotation entre les groupes de la dite commission, qui, dans ce cas correspondait à un membre du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR), qui s’est avéré être Angel Dzhambazki. Cela est aussi dû au fait que parmi les incompatibilités pour un député européen à assumer une telle responsabilité, ne figurent pas le fait qu’il ait des positions ou des attitudes politiques anti-démocratiques qui attentent de manière flagrante contre les droits fondamentaux ou qui montrent un positionnement politique clairement opposée à celui des députés concernés par la demande de levée de l’immunité parlementaire. Les incompatibilités prévues dans le règlement intérieur du Parlement européen sont seulement que le rapporteur fasse partie du même groupe que celui du député européen pour qui la levée de l’immunité est demandée et qu’il n’ait pas la même nationalité.

Manon Aubry aurait pu prendre en charge le cas de Ponsati…… ou de Comín

Mais pourquoi Dzhambazki est-il en charge du rapport des trois eurodéputés ? La défense des eurodéputés catalans allègue qu’une telle décision qu’un seul orateur soit chargé de résoudre chaque cas porte atteinte aux trois eurodéputés; cela porte particulièrement tort à Clara Ponsatí, car elle n’est pas accusée de détournement de fonds publics à différence  de Puigdemont et de Comín . Mais la vérité est qu’il existe un précédent dans lequel un seul rapporteur a été en charge de la procédure de levée de l’immunité contre plusieurs députés européens pour la même affaire. Et curieusement, la dernière fois que cela s’est produit, c’était en 2018 avec Angel Dzhambazki comme rapporteur, pour le retrait de l’immunité de trois députés du parti d’extrême droite grec Aube Dorée. Dans cette affaire, Eleftherios Synadinos, Georgios Epitideios et Lampros Fountoulis ont été privés de leur immunité par le Parlement européen afin qu’ils puissent être jugés dans leur pays pour la violation de décisions judiciaires antérieures à leur encontre. Dzhambazki  produisit des rapports complètement aseptiques, sans développer le moindre argument, comme c’est le cas pour d’autres rapports dans d’autres procédures.

D’abord,, sont arrivées, les demandes de la Cour suprême espagnole contre Puigdemont et Comín. La présidente de la Commission des Affaires Juridiques, qui était à l’époque la britannique Lucy Nethsingha (Renew Europe) et les coordinateurs des groupes parlementaires de la commission (Marie Toussaint des Verts-ALE, Axel Voss du PPE, Tiemo Wölken, de S&D) n’ont pas jugé nécessaire de diviser la procédure en deux rapports, et les cas de Puigdemont et de Comín ont été attribués  à l’eurodéputé bulgare d’extrême droite. Puis, avec la mise en place du Brexit et la reconfiguration des organes du Parlement Européen suite au départ des députés britanniques, l’Espagnol de Ciudadanos, Adrián Vázquez du groupe Renew Europe aussi, a assumé le poste de président de la commission. A ce moment, Clara Ponsatí est entrée en tant que nouvelle eurodéputée. Ils n’ont pas considéré non plus, que sa cause devait être portée par un autre rapporteur, bien que son dossier soit arrivé plus tard et qu’elle ne soit pas accusée de détournement de fonds publics.

La leader de la Gauche unitaire européenne, Manon Aubry.

Que serait-il passé si l’affaire de Ponsatí avait été séparée et qu’un nouvel rapporteur l’avait prise en charge ? Clara Ponsati  aurait eu, du fait du système rotatif de distribution des rapports, la députée européenne de la France Insoumise, Manon Aubry, leader de la Gauche Unitaire Européenne. Aubry a critiqué la répression espagnole contre l’indépendantisme catalan, et s’est toujours prononcée en faveur de la reconnaissance de Junqueras, Puigdemont et Comín en tant que députés européens lorsqu’ils ont été privés de ce statut, et a critiqué le rôle de l’UE dans le conflit catalan. Dans une interview accordée à l’ANC il y a un an, elle avait déclaré : « La direction que prend l’Espagne avec l’affaire catalane est très dangereuse. Dans une démocratie, les choses se résolvent par le vote. Ce n’est pas normal que trois élus ne puissent pas siéger au Parlement Européen ou que des personnes soient condamnées à tant d’années de prison pour avoir convoqué un référendum. »

Quel ton aurait eu le rapport d’Aubry sur la levée de l’immunité de Ponsatí ? Ou de Toni Comín, si les trois procédures avaient été portées par trois rapporteurs différents ? Quelle approche différente de la question et quelle évaluation des preuves et des droits en jeu auraient-ils été faits, par rapport à ce que pourra faire Angel Dzhambazki ? C’est là l’arme principale de la Cour suprême espagnole pour se voir accorder les pétitions qu’elle demande : le rapporteur. Et aussi l’importante présence de députés espagnols dans cette commission, non seulement pour voter en faveur de ce que Dzhambazki pourrait proposer, mais aussi pour influencer le vote des autres députés.

Le jeu de la chaise des eurodéputés espagnols

Dans cette commission il y a une des plus élevées proportions  de députés espagnols par rapport au nombre total de membres.  Au début de la législature c’est une commission qui n’est généralement pas l’une des préférées des eurodéputés. Lorsque celle-ci a commencé, et prévoyant que des questions importantes sur les eurodéputés indépendantistes pourraient être discutées au sein de cette commission, les partis espagnols y ont rapidement pris des positions. Mais c’est surtout après le Brexit, avec la reconfiguration des organes du Parlement européen à la suite du départ des députés britanniques, que les Espagnols ont pris plus de poids.

Dans la législature précédente, il n’y avait qu’un seul membre de l’État espagnol dans cette commission, la populaire Rosa Estaràs. Maintenant ils sont cinq titulaires, dont deux sont des eurodéputés espagnols qui sont rentrés suite au Brexit : Adrián Vázquez, de Ciudadanos, qui a également pris la présidence de la Commission, et Marcos Ros Sempere, du PSOE. En outre, il y a aussi Esteban González Pons et Javier Zarzalejos, du PP, et Ibán García del Blanco, du PSOE. Et parmi les suppléants – qui votent en cas d’absence des membres titulaires – se trouvent Jorge Buxadé (Vox), Javier Nart (indépendant après avoir quitté Ciudadanos) et Nacho Sánchez Amor (PSOE).

Le principal argument que Puigdemont, Comín et Ponsatí présenteront contre la demande de levée de leur immunité est la motivation politique, c’est-à-dire que la demande  est dûe à la persécution politique, avec la volonté d’altérer et de nuire à l’activité politique de ces députés. Cela s’appelle fumus persecutionis, et il existe plusieurs précédents dans des demandes précédemment refusées. Aucune d’entre elles n’est comparable à celle-ci. à laquelle sont confrontés le président et les conseillers en exil. Il n’y a pas de précédent qu’un tribunal d’un État de l’Union qui, avant même que la pétition, soit résolue  ait déjà violé les droits des trois eurodéputés, les empêchant avec un mandat d’arrêt de se déplacer librement dans l’État espagnol, alors qu’ils peuvent le faire dans le reste des États membres. Comment les membres de la Commission des Affaires Juridiques interprèteront-ils cette situation ? Et le rapporteur, Dzhambazki ?

Ils peuvent alléguer que la Cour suprême espagnole est compétente pour effectuer la demande de levée d’immunité parce que cela est indiqué dans ce document du Parlement européen sur les procédures d’immunité et les organes compétents dans chaque état. Mais pour les juger en dernière instance ? Quel poids aura la sentence de la justice belge refusant l’extradition de Lluís Puig car ses droits fondamentaux ont été violés en concluant que la Cour suprême n’était pas la juridiction compétente pour le juger, invoquant la résolution du groupe de travail des détentions arbitraires de l’ONU ? Ne serait-ce pas un indicateur de motivation politique, de fumus persecutionis ?

Et le délit de sédition dont ils sont accusés est un argument de plus. Le fait qu’il s’agisse d’un délit de nature politique et qu’il n’ait pas d’équivalent (du moins pas si sévère en punition) dans les autres systèmes juridiques européens devrait également être un motif de refus, fumus persecutionis. Ou d’accorder la demande de levée de l’immunité parlementaire pour un délit, le détournement de fonds publics, mais pas pour celui de sédition, ce qui serait règlementairement possible ? Vont-ils le faire ? Que proposera l’eurodéputé bulgare qui a attaqué avec des pétards les manifestants dans son pays ? La trame politique et juridique qui s’est construite autour de la Commission des Affaires Juridiques laisse envisager une acceptation de la demande de levée de l’immunité. Mais il restera encore le vote, non seulement de la commission, mais aussi de la plénière du Parlement européen. Quels seront les votes des eurodéputés des différents groupes s’ils sont secrets ? Et surtout, quel sera l’impact que cela aura pour l’Etat espagnol et les conséquences judiciaires de portée européenne qu’une levée de l’immunité  pourrait déclencher ultérieurement?

Appel de Nice pour la démocratie en Catalogne

Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir sur l’accès de la Catalogne à l’indépendance ou sur les limites du processus choisi, notre attachement à la démocratie et au respect des droits humains nous conduit à affirmer les positions suivantes :

1. Le conflit actuel en Catalogne est un conflit politique.
Le gouvernement espagnol devrait cesser de donner des réponses uniquement policières et judiciaires. Il doit donc être ouvert au dialogue et rechercher une réponse politique.

2. La solution politique implique de laisser les citoyen·ne·s de Catalogne s’exprimer sur leur avenir et donc permettre l’organisation d’un référendum dans le respect des règles démocratiques.

3. Le respect des règles démocratiques implique aussi la levée des poursuites judiciaires et la remise en liberté des acteur·rice·s de la solution politique à venir.

4. Il implique également le respect du résultat des élections du 21 décembre 2017 et l’arrêt des entraves judiciaires à la mise en place d’un gouvernement autonome en Catalogne conforme à la majorité issue des urnes.

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L’appel de Nice pour la démocratie en Catalogne a été initié par le collectif des Alpes-Maritimes de solidarité avec le peuple catalan. Il est soutenu par le collectif varois de solidarité avec le peuple catalan.

Si vous souhaitez signer cet Appel, adressez un mail avec votre nom, commune de résidence à colsolcat06@gmail.com, en indiquant éventuellement si vous avez ou avez eu un mandat d’élu.

Appel de Nice pour la démocratie en Catalogne (version en pdf)

Signataires au 29 juin 2018 :
Organisations : Assemblée nationale catalane France, Assemblada nacionala occitana, Comité de défense de la République catalane Nice, Ensemble! 06, Europe Écologie Les Verts 06 et 83, Ligue des Droits de l’Homme Nice et Cannes-Grasse, NPA 06 et 83, Parti de la Nation Occitane, Partit Occitan et Partit Occitan-Région Provence, PCF 83, Régions et Peuples Solidaires, República federala occitana, República de Nissa.
Soutiens individuels dans les Alpes-Maritimes : Daniel Amedro (Nice), Hervé Andrès (Nice), Jessie Baboulin Blausasc, Christophe Barbe-Gayet (Sospel), Patrick Bellois (Mouans-Sartoux), Ghali Bennoni (Nice), Bernadette Bouchard (Nice), Radija Boukhalfa (Nice), Henri Busquet (Nice), Nathalie Carlin (Nice), Cyril Chapouleau (Nice), Didier Chérel (Mouans-Sartoux), Michel Chevallier (Saint-Martin-du-Var), Florence Ciaravola (Nice), Jean-Claude Clinet (Villeneuve-Loubet), Montserrat Collet (Levens), Philippe Collet (Levens), Cristòu Daurore (Nice), Pauline Deboulle (Nice), Bruno Della Sudda (Nice, ancien conseiller municipal d’Ensemble!), Benoît Dérijard (Nice), Liliane Dotta (Nice), Elisabet Dunach (Villeneuve-Loubet), Marc Franceschi (Nice), Sylviane Franzetti (Biot), Didier Gabarda Oliva (Valbonne), Franck Gaye (Nice), Henri Giordan (Nice), Roselyne Grac (Nice), Yvon Guesnier (Nice), Cecile Hagnauer (Nice), Jacqueline Hassan (Nice), Ciril Joanin (Nice), Bruno Lafitte (Cannes), Arthur Leduc (Nice), Geneviève Legay (La Trinité), Cristina López Redondo (Nice), Reinat Matalòt (Villeneuve-Loubet), Veselin Manov (Nice), Eugènia Mariné Barjoan (Mouans-Sartoux), Anna Martin Novo (Villeneuve-Loubet), Josiane Martini (Nice), Claude Massoc (Nice), Manuel Monedero (Antibes), Nadia Moulin (Antibes), Arno Münster (Nice), Mari-Luz Nicaise (Nice, ancienne conseillère municipale EELV), Pierre Nolay (Biot), Silvia Pelegrí (Nice), Walter Persello (Nice), Jean-Luc Primon (Nice), Audrey Pulong (Vence), Piero Renzini (Nice), Angels Ribé (Nice), Paola Sandersley (Beausoleil), José Sitjas (Grasse), Jean-Marc Tagliaferri (La Brigue), Jeanne Thiémonge (Nice), Jacques Victor (Nice).
Soutiens individuels dans le Var : Vivian Acchiardo (Correns), Bernard Aimar (Le Castellet), Jean-Claude Alberigo (Hyères), Marc Archippe (Le Beausset), Joan-Glaudi Babois (Pignans), Christian Bernezet (Hyères), Étienne Berrus (Six-Fours), Magali Bizot, Éric Boyer (Resses), Louis Camenzuli (Toulon), Denis Carel (La Roquebrussanne), Agnès Chidaine (La Cadière), Éric Ciampoli (Toulon), Carole Commandeur (Hyères), Pèire Costa (Toulon, Régions et Peuples Solidaires), Gilbert Dalgalian (Régusse), Claude Dini (La Seyne), Claire Gago-Chidaine (La Cadière), Robert Gago (La Cadière), Pierre Gaugain (Brignoles), Yves Jestin (Le Broussan), Patricia Jouve (Toulon), Françoise Laroche (Le Castellet), Delphine de Luca (La Cadière), Lucien de Luca (La Cadière), Eliane Martin (Roquebrune-sur-Argens), Jean-Paul Martin (Roquebrune-sur-Argens), Miquèu Montanaro (Correns), André Neyton (Toulon), Brigitte del Perugia (Hyères), Marie-Noëlle Pieracci (Le Castellet), Frederic Santa-Olalla Rovira (Barcelona), Christine Schaller (Hyères), Gérard Tautil (Signes), Bruno Vadon (Le Beausset), Sébastien Zuber (Rocbaron).
Soutiens individuels ailleurs en France : Joan Pèire Alari/Jean-Pierre Hilaire (Agen), François Alfonsi (Corse, maire d’Osani, ancien député européen Femu a Corsica, président de l’Alliance Libre Européenne), Didier Andrieu (Villerouge-Termenès), Pèire Barral (Limoges), Francine Bavay (Écologie sociale, ancienne conseillère régionale d’Île-de-France), Felipe Bonnet (Bagnères-de-Bigorre), Jacques Casamarta (Corse, Manca Alternative), François Caussarieu (Béarn), Janina Cazes-Grande (Agen), Dylan Champeau (Corse), Jacky Chataignier (Loire-Atlantique), Serge Collet (Haute-Normandie), Sergio Coronado (ancien député EELV des Français établis hors de France), Annick Delhaye (Éguilles, Bouches-du-Rhône, ancienne vice-présidente EELV du conseil régional), Patrick Farbiaz (Réseau sortir du colonialisme), Bernat Fruchier (Luceram), Pierre Gayral (Seine-Saint-Denis), Gèli Grande (Agen), Miquèu Gravier (Marseille), Hervé Guerrera (Aix-en-Provence, conseiller municipal POC, ancien conseiller régional), Christian Guyonvarc’h (Guipavas, ancien vice-président UDB du Conseil régional de Bretagne), Yann-Fañch Kerneis (Plouzané, Finistère, conseiller municipal EELV, conseiller Brest Métropole), Jocelyne Le Boulicaut (Vannes), Lena Louarn (vice-présidente du Conseil Régional de Bretagne), Tangui Louarn (président de Kevre Breizh, coordination culturelle associative de Bretagne), Noël Mamère (Gironde, ancien maire de Bègles, ancien député EELV de Gironde), Henri Mermé (Paris), Étienne Miossec (Bretagne), Paul Molac (Ploërmel, député du Morbihan, groupe LREM, président du groupe d’études Langues et cultures régionales), Bénédicte Monville-de-Cecco (Seine-et-Marne, conseillère régionale EELV d’Île-de-France), Kadia N’Diaye Salvador (Grenoble), Richard Neuville (Ardèche), Gérard Onesta (Haute-Garonne, conseiller régional EELV d’Occitanie), Pierre Ouzoulias (Hauts-de Seine, sénateur PCF, vice-président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, vice-président de la commission des affaires européennes), Jean-François Pellissier (Paris, porte-parole national d’Ensemble!), Christine Poupin (Haute-Normandie, porte-parole nationale du NPA), Philippe Poutou (Gironde, porte-parole national du NPA), Michèle Rivasi (Vaucluse, députée européenne EELV, ancienne députée du Vaucluse), Marlène Rosane (Paris), Vincent Russier (Paris), Bernard Seguy (Villerouge-Termenès), Régine Seguy (Villerouge-Termenès), Patrick Silberstein (Seine-Saint-Denis), Cécile Silhouette (Paris), Domergue Sumien (Aix-en-Provence), Simon Sutour (Gard, sénateur PS, vice-président de la commission des affaires européennes), José Tovar (Seine-Saint-Denis), Véronique Vinet (Haute-Garonne, conseillère régionale EELV d’Occitanie, co-présidente du groupe Nouveau Monde au conseil régional).